4 mai 2016

2016-05-04

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Tu t'attaches à faire rentrer la Vie dans une boite.
Et quand elle crie - les angles ça fait mal, elle n'est pas faite pour ça - tu te plains d'elle.

Tu veux faire asseoir 8 heures par jour la Vie.
Tu veux faire obéir la Vie.
Tu veux socialiser et rendre conforme la Vie.
Et quand elle dit "bonjour" à la dame et "s'il te plait" et "merci" comme un automate, quelque part, tu es soulagé. Quelque chose a été accompli.
Au fond c'est parce que la Vie a pris peur et sait ce qu'elle risque, alors elle s’exécute. Mais cela, tu ne le vois pas.

Tu les décris comme stressés, d'un air surpris et embêté.
Tu les décris comme agités, sans comprendre d'où ils tirent leur énergie, et encore moins lorsque c'est une énergie de rébellion.
On ne se débat que lorsque l'on est contraint.

Tu dis l'air amusé et moqueur, qu'ils n'aiment pas obéir.
Et toi, aimes-tu obéir ?

Et aimerais-tu qu'il obéisse à la seconde à ce que lui dirait un autre que toi ?
Non. Cela t'inquiéterait, même. Tu le mets en garde : ne suis pas aveuglément, n'écoute pas ce que dit untel.
Mais à tes consignes, il aura intérêt à obéir sans sourciller, car quand c'est toi, ça n'est pas pareil.

Il dépend totalement de toi et cela te laisse un pouvoir incroyable.
Le pouvoir d'être avec lui ou contre lui.
D'être à ses côtés, ou bien de le surveiller de l'arrière.
De lui reconnaitre qu'il peut être lui, ou de lui imposer d'être selon ce que tu veux.
De le récompenser, de le punir, de lui faire du chantage, de le féliciter... de le faire se sentir perdu et petit au milieu de tous ces jugements que d'autres que lui ont sur lui.

Tu lui dis aussi "il faut que tu aies confiance en toi !".
De quoi être vraiment perdu.

Il dépend totalement de toi, sa marge de manœuvre est mince.
Je le vois se recroqueviller.
Je le vois adopter des masques, mentir, donner le change, faire bonne figure, taire ce qu'il ressent, devenir caméléon pour s'en sortir au mieux.

Tu appelles "éduquer" le fait de l'amadouer ou de le faire plier.

De part le type de relation que tu lui proposes, tu ne le connais déjà plus : tu ne connais déjà plus de lui qu'une image.
Il se cache. Il garde secret ce qui compte vraiment.
Tu ne connais qu'une vitrine, et la vraie personne est loin dans l'arrière boutique.

Tu te plaindras peut-être qu'il ne te parle que peu. Tu t'en inquiètes. Cela te surprend, tu ne comprends pas.
En toute sincérité, tu ne comprends pas que la victime ne se confie pas à cette personne qui à tout instant peut devenir son bourreau. Il le sait, il en a fait l'expérience.
Ne voies-tu pas ?

Il faudrait qu'il aime parler quand il a eu la démonstration qu'il était rarement vraiment écouté.
On ne remet pas sa main dans le feu quand on s'est brûlé la première fois.
On ne dit plus quand le risque est identifié que ce qui va être dit va possiblement être évalué, complimenté, sanctionné, jaugé, remis en cause, dénigré, tourné à la rigolade, nié ("mais non n'ai pas peur ! Tu ne vas pas avoir peur quand même, tu es une grande fille !"), déformé, soumis à question, évalué pour voir si c'est vrai ou faux, suivi de conseil, ...


Je ne te comprends pas.
Je ne comprends pas que tu ne voies pas ce qui pour moi est aussi clair que de l'eau, et mon incapacité à te comprendre nous éloigne.


Je n'arrive pas à accepter l'idée que tu puisses sincèrement ne pas voir ce dont je parle.
Je n'arrive pas à accepter que tu ne voies pas que c'est un dressage. Que tu ne voies pas le pouvoir et le conditionnement.
Le façonnage de l'autre selon des critères qui ne sont pas les siens.
Que c'est tuer à petit feu quelque chose qui ne t'appartient pas.

Je n'arrive pas à croire qu'il est possible de, sincèrement, ne pas voir.
Alors j'en arrive à croire que tu ne veux pas voir. Que, donc, de ce dont je parle, tu te fiches.
Que tu voies bien ce dont il retourne, mais que... eh bien... tant pis s'il y a du mal de fait. C'est comme ça et c'est tout. C'est moi qui décide. Et puis "ce que moi j'ai vécu c'était bien autre chose, et je n'en suis pas mort".
Cette idée-là, dans ma tête, me fait m'éloigner de toi très fort.

J'essaye de me dire qu'il est aussi possible que, peut-être, tu ne puisses pas voir.
Que peut-être d'autres paramètres plus importants de ta vie, d'autres priorités, font que cette situation, que ces cris plus ou moins silencieux, ne puissent pas êtres reconnus.
Que voir ça, ça soulèverait trop de questions, ça emmènerait trop loin. La boîte de Pandore. Et que toi-même tu as peu de marge de manœuvre, tu es coincé, et que tu ne vois pas comment faire autrement.
Alors on remet la couverture et tant pis, on fait avec.



Je suis désolée de ne pas être en capacité d'accepter que tu ne voies pas.
En moi, ça ne marche pas. Ça ne se fait pas.

Si seulement je t'entendais dire "... c'est vrai... c'est vrai, il y a des dégâts. C'est dur ces relations, parfois c'est le bras de fer et au fond ça ne me satisfait pas... Mais je me sens totalement impuissant(e), je ne sais pas comment faire autrement...", alors à la seconde je pourrais me relier à toi, tout près, car je pourrais voir ce que tu vis et ressens.

Mais tant que tu ris de ce que j'évoque ou que tu dis que "de toute façon c'est comme ça et pas autrement", et qu'"ils décideront quand ils seront grands" et "il l'a bien cherché" et que "comme ça, il sait qui c'est qui décide", et que "tu choisiras plus tard, pour le moment tu obéis", et "maintenant tu vas au coin et je ne veux pas t'entendre !"... alors je ne peux pas m'approcher de toi.
Je ne peux juste pas. Je n'ai pas les ressources.

Car quand tu dis ça, quelque chose s'effondre à l'intérieur de moi et j'ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Et comme je vais me censurer de le faire, je vais avoir mal.

Or je ne veux pas avoir mal de me censurer, ni t'en vouloir d'avoir mal.
Alors je reste loin.
De loin, je peux t'aimer.

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