24 nov. 2011

Bibendum rouge et blanc : J-30

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Les thématiques du relationnel entre les gens et des situations de domination-soumission - surtout quand elles n'y paraissent pas - m'intéressant de plus en plus, je décide aujourd'hui de faire monter sur l'estrade petit papa Noël, pour examen approfondi de ce qu'il est, de son rôle et de ce qu'il enseigne malgré lui.
En effet il est l'heure puisqu'on est à J-30 de son grand retour.

Éléments en vrac

- L'image de l'enfant émerveillé me plait à moi, l'adulte. Le rappel d'un bonheur insouciant auquel je n'ai plus accès, peut-être.

- Au départ, l'enfant me fait naturellement confiance à moi, l'adulte, et croit ce que je lui dit (la méfiance apparait avec le temps, constat attristant s'il en est). Certainement ressent-il que son discernement est moindre par rapport au mien, il sait qu'il n'est pas autonome, il a besoin de moi. En fait il n'a pas vraiment d'autre choix que me faire confiance.

- "On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est." Jean Jaurès. Je n'enseigne donc pas ce que je dis, j'enseigne ma façon d'être et mes actions.

- Moi, l'adulte, je dis qu'il ne faut pas mentir.

- L'existence du père Noël est un mensonge.

- "Celui qui détient l'information est celui qui a le pouvoir." (auteur à retrouver car je ne sais plus)


Une trituration de tout ceci, à laquelle j'ajoute une observation attentive - bien que récente - des enfants, m'amène à penser que ce qui suit : dans l'histoire du père Noël se joue une petite affaire de domination des adultes sur les enfants, même si l'emballage fait qu'il n'y parait pas et que le mobile est bien fichu (le rêve et le bonheur de l'autre, on fait difficilement mieux comme mobile).


Dans cette affaire-là, moi, l'adulte, je trouve du contrôle de l'autre.
Du contrôle, parce que je raconte ce que je veux comme je le veux. Je détiens l'information et ma parole est reçue avec confiance (jusqu'à ce que...), en conséquence de quoi j'ai le pouvoir sur les émotions de l'autre.
Et moi, l'adulte, j'ai souvent été élevé malgré moi à rechercher ce contrôle car il est rassurant.
"Attention, tu sais, le père Noël ne donne pas de cadeaux aux enfants qui ne sont pas sages."

Dans cette affaire-là, moi l'adulte, je trouve aussi la joie de contribuer aux bonheur de l'enfant. J'ai une responsabilité : c'est en partie grâce à moi, les étoiles au fond de ses yeux. Et je suis heureux, car c'est un besoin vital pour moi de jouer un rôle dans le bonheur des autres.
Que ça passe par un petit mensonge, ma foi... ça ira puisque c'est pour la "bonne cause".

Dans cette affaire-là, l'enfant trouve peut-être du rêve et de l'imaginaire, des images incroyables de magie et de traineaux qui volent dans le ciel.
Dans cette affaire-là, l'enfant trouve peut-être de la peur. Et si le père Noël m'oubliait ? Et si je n'avais pas été assez sage ?
Dans cette affaire-là, l'enfant trouve aussi peut-être un goût un peu amer en bouche le jour où il comprend que...
Et dans cette affaire-là, peut-être que l'enfant aura appris ce qui s'est passé et non ce qui lui a été dit : que mentir aux dépends de quelqu'un (qui, de surcroit, est plus faible) peut finalement être acceptable.


En fait je ne comprends pas que cette tradition mensongère, car c'est quand même de ça qu'il s'agit, se perpétue, soit si établie, et établie comme "bonne".
Je ne vois pas ce que les enfants y gagnent. Pour moi l'argument de la joie issue de l'imaginaire qu'on leur apporterait ne tient pas. Ils sont par ailleurs tellement plus capables que les adultes de se fabriquer des histoires incroyables qui les font rêver... Ils n'ont pas besoin de nous sur ce plan.
Je vois assez bien en revanche l'intérêt que les adultes peuvent y avoir.

Je me dis toujours qu'il n'y a pas de raison pour faire aux enfants ce qu'on ne se permettrait pas avec des adultes, car sinon cela signifie qu'on est en situation de domination (l'inverse n'étant pas vrai : ce n'est pas parce qu'on le ferait avec des adultes qu'on est dans une relation de liberté équilibrée).
Question : quel adulte trouve acceptable de monter un bobard à quelqu'un et de tout faire pour qu'il y croie ?

Alors je fais une proposition.
On tue le père Noël une bonne fois pour toute, on s'en désaliène, on reprend au passage sa liberté et un peu de dignité et de fierté, et tous les ans on réinvente le truc.
Tous les ans on crée ensemble, adultes et enfants, une nouvelle histoire qui expliquerait cet arbre dans la maison et cette arrivée soudaine de cadeaux. Tout le monde étant bien évidemment conscient, quel que soit son âge, qu'on se fabrique une histoire virtuelle. Que c'est pour jouer ensemble (et pas les uns contre les autres).
Plus de potentiel, plus d'authenticité, plus d'unité, plus de partage, et de la création au lieu du suivi d'une habitude établie... Champagne !


Il faut encore que je cogite sur la chose, mais telle est ma position du moment.
A l'attention des amis ayant des enfants et avec lesquels je suis susceptible d'être en contact à tout moment de l'année, et plus précisément dans la période de Noël qui approche : je me désengage d'une participation ou même d'un soutien à la thèse du père Noël.
Je ne casserai pas le truc pour autant, mais peut-être émettrai-je des doutes si je suis interrogée... :)